Découverte et Identification d’un buste de Diane par Jean Antoine Houdon
par Valérie Roger, spécialiste du sculpteur Jean Antoine Houdon (1741-1828) après expertise et identification de l’oeuvre (Mai 2015 Im Kinsky Auktionshaus, Vienna)
L’oeuvre spoliée par les Nazis retrouve aujourd’hui son écrin originel, le Palais royal Lazienki. (Résumé article http://lootedart.gov.pl/en/articles + voir Artsixmic, enquête sur une Diane
Photo Valérie Roger
Il manquait aux mentions faites des « Dianes » du sculpteur Jean Antoine Houdon, le buste en marbre de l’ancienne collection du Roi Stanislas II Poniatowski. L’oeuvre réapparut au printemps 2015. Son propriétaire l’avait confiée à une maison de vente autrichienne (Im Kinsky) qui me contacta pour l’expertise.
La qualité et la spécificié du buste en marbre de la déesse couplés aux résultats de mes recherches, permirent que je me prononce pour en donner la paternité à Houdon et pour reconnaître en cette oeuvre celle de la collection Poniatowski, spoliée par les Allemands en 1940, et depuis lors disparue.
L’identification et l’attribution furent rendues possibles grâce aux caractéristiques techniques propres au travail du sculpteur, aux recoupements historiques, et au fait que l’oeuvre porta la fameuse double signature signalée dans la littérature. Le buste était signé à la fois sur la tranche du bras droit en caractères cursifs « houdon, 1780 » et sur la courroie du baudrier « A. Houdon, F. AN. 1777 ». La double signature pouvant correcpondre à la date d’exécution et la date de vente du buste.
W. Tatarkiewicz, qui écrivit en 1919 au sujet des collections du dernier Roi de Pologne, Stanislaw August Poniatowski, mentionnait dans son catalogue une oeuvre similaire. Après vérifications de mes données dans les archives polonaises, j’acquis l’intime conviction que l’oeuvre présente en Autriche était celle qui figurait autrefois parmi la collection de Peintures et Sculptures du dernier Roi de Pologne.
Or, Stanislas Lorentz, directeur du musée national de Varsovie de 1936 à 1982, rappelait que le buste enlevé par les Russes en 1915, avait été restitué à la Pologne en 1921 et exposé au pavillon des Bains (Lazienki), « avant d’être pillé par les allemands en 1940″.
Nous savons que Stanislas II acquit d’autres oeuvres du célèbre sculpteur français, tel que le firent les monarches éclairés de l’époque, comme Fréderic II de Prusse ou l’impératrice Catherine II de Russie et le tout nouveau président des Etats Unis, Georges Washington.
Tous reconnaissaient le précieux talent de l’artiste, capable de rendre dans la terre, le plâtre ou le marbre, la vitalité des modèles. Houdon fut en effet appelé par tous les grands de ce monde afin de retranscrire leurs visages dans la matière lorsque portrait ne rimait pas encore avec cliché photographique. Monarches éclairés, noblesse, de robe, d’épée, révolutionnaires, mais aussi philosophes, artistes…une prodigieuse galerie de portraits tant masculins que féminins, vit ainsi le jour, couvrant la mémoire visuelle de l’Ancien Régime à l’Empire.
Ici le buste de Diane acquis par Stanislas II emprunte à la Mythologie. Avant de le réaliser Houdon avait donné une oeuvre « grandeur naturelle » de la déesse de la chasse et de la nature (le grand marbre gagnait alors les collections de Catherine de Russie).
Altière, audacieuse dans sa nudité, prouesse technique, les exemplaires grandeur nature surprennent encore aujourd’hui les visiteurs des musées du Louvre, de la Calouste Gulbenkian, de la Huntington, ou de la Frick Collection. Ce sera le cas dorénavant du buste en marbre revenu dans les Palais de Pologne dont la qualité et la liberté incarnée interpellera d’autres admirateurs à venir.
Je me réjouis d’avoir pu identifier l’oeuvre perdue. Nous ne pouvons que souhaiter aujourd’hui à la Diane un repos bien mérité sur la terre qui fut le lieu de sa destination première.